
Je vais essayer de rester calme pendant cette chronique. Je promets de tenter de ne pas pousser les cris stridents de la groupie qui déroule son poster de Zlatan, de ne pas sauter partout, de ne pas baver sur le clavier, ni vous saisir par le col de la chemise en vous disant que, si jamais vous craquez pour ce livre, vous signez pour des heures de régal à cuisiner et encore davantage à déguster. Non, non, je lève la main droite et vous assure de ma plus honnête neutralité, ma plus sincère objectivité, ma plus froide et scientifique analyse.
Je vais tenter d’adopter la mine du croque-mort dans Lucky-Lucke (oui, j’ai comme qui dirait des références littéraires), un peu verdâtre et un peu hâve (même si l’ensemble de l’ouvrage en question laisse plus les joues rebondies et chocolatées que la mine blafarde). Je serai Joconde et non Vénus Callipyge, je serai Prélude de Bach et non Nocturne de Chopin, je vous assure, croix de bois vert croix de fer cru, si je mens, j’irai rôtir au royaume de Cerbère, et cuite je n’y serai plus crue de ne l’avoir pas assez été. (crue.)
Si vous me lisez depuis quelques temps, vous le savez… je suis un bec sucré. Je ne peux pas m’en passer, un repas sans dessert est une forêt (noire) sans écureuil, depuis toute petite. J’ai grandi et j’ai remplacé mes douceurs d’enfance par d’autres douceurs dont je raffole encore plus (si c’est possible), moins sucrées dans l’absolu, ou sucrées autrement, par des fruits (frais ou secs), éventuellement du (très bon) miel ou du sirop d’érable (ou d’agave), de la vanille, de la cannelle, des eaux florales (fleur d’oranger en tête). Alors, vous pensez bien qu’un tel livre ne pouvait que me tenter. En même temps, je dois l’avouer, il me laissait TRÈS SCEPTIQUE. (J’ai toujours un peu peur de tout courant culinaire, à plus forte raison du crudivorisme dans lequel je ne me retrouve pas.)

INTRODUCTION
Je n’ai aucune honte à l’avouer, je fais partie de ceux qui ont bavé devant l’émission Le Plus grand Pâtissier, qui vouent à Mercotte une admiration sans faille, et qui testent à peu près toute recette bio/alternative du moindre dessert, parfois pour retrouver le plaisir d’un classique revisité, parfois pour être surprise par de nouvelles saveurs. Dans cet ouvrage, c’est plutôt la surprise qui vous attend.
Car oui, la pâtisserie crue n’a pas grand chose à voir avec la pâtisserie classique… et c’est tant mieux.
Dans une introduction à la fois brève, très complète et très bien écrite, Ophélie nous explique son point de vue, et je ne peux que vous inviter à la lire avec attention (puisque tout résumé serait réducteur). Mais, « pâtisser cru », à quoi bon? » Tous ceux à qui j’ai parlé même vaguement de ce livre ont marqué un temps : « Pâtisserie…crue? Mais… comment ça, qu’est ce que ça veut dire, cru? »
Justement, Ophélie y répond sans idéalisme : la cuisine crue l’est rarement totalement. Techniquement, en tout cas. Mais l’idée reste de se passer de cuisson : pour toutes ces recettes, nul besoin de four, de casserole, non, rien du tout, vous pouvez vivre dans une cabane sans électricité et faire un festin de pâtisserie ophéliesque, c’est la fête!!

Les ingrédients sont donc légèrement différents de la pâtisserie classique (encore que) : des flocons (d’avoine, mais j’ai tenté des substitutions qui ont très bien fonctionné, avec du sarrasin notamment), des dattes (ou des figues), de l’huile de coco, du sirop d’agave (que j’ai pu remplacer par du miel très liquide), des fruits, des noix, et en avant, au trot et à cru. Pas d’approche exaltée, ni doctrinaire, ni jusqu’au-boutiste, pas de revendication qui frôlerait l’élitisme (ou le marginal), non, une entrée en matière pleine de mesure, et qui déplace le point de focale de la santé vers celui de l’expérience culinaire et de la gourmandise (mesurée, là encore!) Le tour de force de l’ouvrage est de proposer une collection de gourmandises (veganes) qui sont accessibles, à la fois en terme de technique (la plupart des recettes sont vraiment réalisables par quiconque n’est pas un virtuose des fourneaux!), qu’en terme de coût et de matériel (nul besoin de déshydrateur (insérez ici mon merci teinté de larmes de reconnaissance, ENFIN, du cru sans déshydrateur!!), ni de vitamix à chaque recette, ou d’ingrédients farfelus ou introuvables). Le résultat est également propre à convaincre les plus récalcitrants, et loin des gourmandises très très bio aux algues et au tofu qui peuvent déstabiliser les mangeurs de Nutella ou ceux qui n’ont de pâtisserie que goûté les éclairs de la boulangère d’en bas. Testé et approuvé, le résultat conquiert les papilles de… tout le monde, grands et petits, promis, juré!
Cette introduction complète permet donc de jeter les bases à la fois d’une philosophie de l’approche de la cuisine crue, et de petites choses à savoir sur celle-ci en général… à mettre entre toutes les mains.
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En plein test personnel des cookies crus, version vanille, cardamome et noisettes. |
TROIS PARTIES
L’ouvrage se décline en trois parties : Les bases de la pâtisserie crue, les classiques revisités, et les généreux.
Dans les bases, Ophélie nous donne de chouettes astuces pour réaliser pâte à tarte, chocolat, lait végétal, mousses, crèmes, confitures crues, enfin, tout ce qui est adaptable et déclinable à volonté!
On attaque ensuite ma partie préférée, celle des classiques… On ne sait que choisir entre la tarte aux pommes (plus crunchy-moelleuse encore que la vraie) , le brownie, les fudges (qui sont devenus un INDISPENSABLE de mon frigo, j’en mange plusieurs par jour, j’ai testé une version amande-raisin-cognac, puis noisette-noix, puis souchet coco-cramberries à tomber par terre. Les membres de ma famille, après avoir manifesté une réticence devant un « truc bio », en ont mangé une dizaine et ont bien fini par admettre que… oui, c’était délicieux.), le carrot cake, les gâteaux basques à la cerise (testés avec de la confiture de fraise), le clafoutis (testé aux pruneaux), le tiramisu (pas encore passé à la non-casserole mais il me nargue.), ou encore les petites tartelettes amandines qui attendent sagement la saison des poires pour voir l’au-raw-re.
Dernière partie : les généreux. Là, indécence au rendez-vous, débauche de photos toutes plus appétissantes les unes que les autres. J’avoue que cette partie me tente moins parce que je n’aime pas trop ce qui est crémeux en termes de desserts, ni les choses à étages (et je n’ai pas de moule à charnière..). Pourtant, je ne peux qu’avoir envie d’un Mille et une Nuits à couper le souffle, un Fondant caroube-cacahuète dont le nom seul est prometteur, ou même d’un Bavarois fraise et vanille couvert de fruits rouges frais qui va faire un malheur dans les déjeuners d’été.
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Test perso des gâteaux basques à la cerise, avec de a fraise à la place de la cerise. (Pour info : ça marche.) |
LES PLUS ET LES MOINS
Vous l’aurez compris, j’ai ADORÉ lire ce livre. Car oui, je l’ai lu, vraiment, j’ai aimé lire ses descriptions et son approche pleine de mesure du crudivorisme, et j’ai admiré avec patience et sourire les photographies à la fois pleines de couleurs, de gourmandises, de générosité et d’élégance. Je ne peux que vous encourager vivement à vous le procurer, parce que…
-Il est visuellement MAGNIFIQUE, et donnerait faim à n’importe quel endormi de l’estomac.
(Et un livre de cuisine qui donne faim me rassure.)
(Et un livre de cuisine qui donne faim me rassure.)
-Il reste bref et peu onéreux, tout en proposant un tour d’horizon assez large de ce que l’on peut faire en termes de pâtisserie crue.
-Il ne nécessite ni dextérité incroyable, ni matériel compliqué, ni ingrédients introuvables, ni alimentation d’ores et déjà très tournée vers le bio / végétar/lien / cru. (Bien sûr, si vous n’avez vraiment JAMAIS cuisiné avec un flocon d’avoine, peut-être vous faut-il chercher avant celui-là un ouvrage plus généraliste, mais sinon, n’ayez pas peur : tout est vraiment facile et accessible.)
-Cuisiner cru est un jeu (d’enfant). Je me suis vraiment beaucoup amusée. On se fait un peeling des mains en malaxant les pâtes, puis une hydratation express des doigts en finissant l’huile de coco, on a une petite phase régressive en version Play-Doh en formant des petits cubes, ou palets, ou truffes… C’est finalement TRÈS
RAPIDE, puisqu’il n’y a aucune étape de cuisson! Ce n’est pas un scoop, et pourtant je vous assure que c’est une réalité qui déstabilise : on mélange, on façonne, et puis… et puis rien, en fait, c’est déjà prêt!![]()
RAPIDE, puisqu’il n’y a aucune étape de cuisson! Ce n’est pas un scoop, et pourtant je vous assure que c’est une réalité qui déstabilise : on mélange, on façonne, et puis… et puis rien, en fait, c’est déjà prêt!

En revanche…
Il faut bien chercher les touts petits défauts, cela achèvera de crédibiliser mes louanges.
-Le premier inconvénient ne tient pas à Ophélie, il est mécanique : qui dit cuisine crue dit…huile de coco. Or, à moins que vous ne trouviez de l’huile de coco désodorisée (mais j’ai du mal à aimer tout aliment naturel « désodorisé », pour moi, si l’on choisit un aliment, on le prend tout entier, avec son parfum, ou on ne le prend pas), dans l’ensemble des desserts contenant une partie solide, de pâte (tartes, crumbles, biscuits…) : il y aura forcément un petit goût… de coco. Alors, soyons clair, moi, j’en raffole, je trouve qu’au contraire, on ne sent jamais assez son goût. Mais si vous vivez comme moi avec un être équipé de radar surpuissant anticoco… cela peut légèrement poser problème. (« Ça aussi, c’est à la noix de coco? C’est bon, mais on sent la coco. Si, si, j’aime, mais c’est à la noix de coco, quoi. Ah oui, ça c’est bon. On sent beaucoup la coco. Mais c’est bon. »)
-Autre défaut qui ne tient pas à l’auteur : qui dit cuisine crue dit… mise au frais. C’est ainsi qu’elle se conserve, et ainsi qu’elle donne le meilleur d’elle-même. C’est d’ailleurs parfait aux temps chauds, soyez-en fort aises… MAIS… c’est intransportable. Attendez-vous donc à être frustrés de ne pas pouvoir en emmener au bureau, en pique-nique, en randonnée, à picorer au cours de la journée, à offrir dans quelques heures, à envoyer par la poste, à ramener à une fête dans la nature : non, la pâtisserie crue est affaire de réfrigérateur. Bon, tenez-vous le pour dit, après, il suffit de contourner le problème…
Foncez, régalez-vous
autant que j’ai pu le faire, créez du cru, croyez-en ma gourmandise
amusée accrue!
Pour conclure, je crois que la vraie force de l’ouvrage est de donner envie de cuisiner, DU CRU… OU NON, parce qu’en fait, à feuilleter un tel florilège de recettes, on a envie de les essayer telles quelles mais aussi de les amender, de leur enlever ci et de leur ajouter ça, de farfouiller dans ses placards et de faire mille expériences, une version crue d’autre chose, ou une version mi-cuite d’une pâtisserie proposée à notre œil gourmand, en inversant les pages et en laissant libre cours à nos doigts sucrés.
Je crois que cette affirmation finale ne choquerait pas l’auteur, qui ne prône pas un absolu du cru, mais qui parvient à donner des pinceaux pour peindre non seulement ses propres tableaux mais aussi ceux que chacun aura envie de concrétiser. Cette force d’inspiration, de gourmandise suscitée, et d’invitation à l’expérience culinaire, fidèle ou non, est finalement pour moi le magique mérite de ce petit ouvrage.
autant que j’ai pu le faire, créez du cru, croyez-en ma gourmandise
amusée accrue!
Pour conclure, je crois que la vraie force de l’ouvrage est de donner envie de cuisiner, DU CRU… OU NON, parce qu’en fait, à feuilleter un tel florilège de recettes, on a envie de les essayer telles quelles mais aussi de les amender, de leur enlever ci et de leur ajouter ça, de farfouiller dans ses placards et de faire mille expériences, une version crue d’autre chose, ou une version mi-cuite d’une pâtisserie proposée à notre œil gourmand, en inversant les pages et en laissant libre cours à nos doigts sucrés.
Je crois que cette affirmation finale ne choquerait pas l’auteur, qui ne prône pas un absolu du cru, mais qui parvient à donner des pinceaux pour peindre non seulement ses propres tableaux mais aussi ceux que chacun aura envie de concrétiser. Cette force d’inspiration, de gourmandise suscitée, et d’invitation à l’expérience culinaire, fidèle ou non, est finalement pour moi le magique mérite de ce petit ouvrage.